Ma visite étant terminée, je propose l’hospitalisation sans délai de sœur X.. afin de pousser plus à fond l’évaluation médicale. Je remets à la soeur prieure mes ordonnances. On m’assure que tout sera fait avec diligence. La patiente devrait pouvoir être hospitalisée dans les heures qui suivent. On me reconduit vers la sortie selon le même décorum, clochette et cierge inclusivement. De retour à ma voiture je prends une grande respiration. Je réalise que je venais de vivre une scène moyenâgeuse de la vie monastique. Une heure et demie plus tard l’hôpital m’avisait que ma patiente était bel et bien hospitalisée.
La première journée d’hospitalisation de ma patiente se déroule sans histoire. Elle est nerveuse, circule beaucoup dans les corridors et adresse la parole aux gens qu’elle côtoie. Il est inhabituel de voir agir ainsi une moniale portant la bure. Le deuxième jour de son hospitalisation je me présente au département pour visiter ma patiente et consulter les rapports d’examens de laboratoire. On m’amène immédiatement au bureau de la directrice du service. Cette dernière est visiblement ébranlée et pour cause : on a perdu la trace de sœur X.. Après le petit déjeuner l’infirmière qui devait procéder à la toilette de la malade a trouvé la chambre déserte. Sœur X.. a disparu! On la recherche discrètement afin de ne pas alerter les autres patientes mais les recherches sont infructueuses. Le service de sécurité de l’institution a été mis à contribution mais sans succès. Personnellement je ne pouvais rien faire de plus afin de retrouver la fugueuse et je poursuivis mes visites auprès de mes patientes et patients.
Lorsque je revins une heure plus tard, je trouvai ma patiente alitée en présence d’une infirmière et d’un agent de sécurité. On m’apprit que c’est le jardinier de l’institution qui l’avait trouvée allongée et nue entre deux rangs d’une plantation de choux. Elle disait vouloir se faire bronzer. Suite à un tel comportement je demandai une consultation en psychiatrie ce qui fut fait très rapidement. Il fut décidé que la malheureuse irait en cure fermée dans un hôpital psychiatrique, Son transfert se fit dans l’heure suivante et je n’ai pas revu ma patiente depuis.
Six mois plus tard j’ai rencontré l’oncle de sœur X.., le curé qui m’avait demandé d’accepter sa nièce comme patiente. Il me dit qu’elle avait passé environ quinze jours en cure fermée et qu’elle avait été relevée de ses vœux monastiques par Rome. Il ajouta qu’elle enseignait dans une école secondaire pour jeunes filles dans la région de Montréal et qu’elle était parfaitement heureuse.
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