Conduite infernale
Je connaissais le curé d’une paroisse de Québec qui me demanda si je voulais bien accepter de soigner sa nièce religieuse dans un couvent cloîtré de la vieille Capitale. Cette religieuse semblait présenter des troubles du comportement. Suite à mon acquiescement, le prêtre me facilita les choses en prenant rendez-vous en prévision de ma visite au couvent. Fidèle à ce rendez-vous, on me reçut dans un petit parloir. Un des murs était pourvu d’une ouverture obturée par un voile opaque suspendu derrière un double grillage en fer.
Une voix féminine me souhaita immédiatement la bienvenue. J’appris par la suite qu’il s’agissait de la voix de la prieure de la communauté. Cette religieuse m’expliqua que ma visite avait été autorisée par l’archevêché car, selon les règles de la communauté, tous les contacts avec le monde extérieur doivent recevoir l’autorisation d’un ecclésiastique spécialement désigné par l’archevêque pour remplir cette fonction.
La prieure me demanda d’évaluer médicalement la conduite de sœur X.. qui, selon elle, a un comportement qu’elle juge impardonnable, irrévérencieux et presque toujours imprévisible. Il est vrai que cette religieuse avait fait une demande pour être relevée de ses vœux monastiques. Cette demande doit être acheminée à Rome afin d’être approuvée mais le processus est très long. Plus le temps passe, plus le comportement de la religieuse devient insupportable pour l’ensemble de la communauté. Voici quelques exemples de ce comportement. Selon la règle de l’ordre, tous les matins avant l’aube, les religieuses se lèvent tôt, se rendent en silence à la chapelle pour les matines. La religieuse dont il est question profite de ce moment de recueillement pour commenter à haute voix le sujet de méditation. Elle fait de même au début des repas alors que l’on fait la lecture du martyrologue elle se lève et commente la vie du saint du jour. Il faut admettre que sœur X.. a fait des études classiques et possède un baccalauréat ès arts.
Le monologue de la mère prieure se poursuit pendant une dizaine de minutes.Je n’avais jamais entendu, de toute ma vie, une personne parler d’une autre personne avec autant d’aversion. Des mots tels que : démentiel, infernal, démoniaque, diabolique, satanique, insupportable se répétaient ad nauseam. Pour conclure, la prieure ajouta : « Il faut que cette religieuse quitte notre monastère immédiatement ! Vous admettrez docteur que, vu ses troubles du comportement, sœur X.. devrait être hospitalisée sans délai afin qu’on découvre les causes d’un tel déséquilibre. »
J’ai répondu que je ne pouvais poser un diagnostic valable sans questionner et examiner la patiente. Elle me dit avoir l’autorisation de me faire enter dans le cloître. Une réceptionniste vous amènera à l’entrée, et on vous ouvrira.
Les portes s’ouvrent à mon grand étonnement trois religieuses voilées m’attendent. L’une d’elle tient une clochette à la main, la seconde un cierge allumé et rapidement je constate que la troisième est la mère prieure puis que c’est elle qui organise le cortège. La sœur à la clochette ouvre la marche et me précède, la mère prieure me suit alors que la sœur qui porte le cierge ferme le défilé. On suit lentement un long corridor qui mène à l’infirmerie. Pendant tout ce déplacement la sœur qui me précède active sa clochette de façon soutenue afin d’aviser la communauté qu’un étranger circule dans le cloître. Je n’ai jamais compris la fonction du cierge allumé. Était-ce que la flamme avait pour but de purifier ces lieux que ma présence aurait pu contaminer? Le grand silence du cloître n’était interrompu que par le tintement de la clochette. Durant tout le parcours je n’ai vu personne d’autre que les religieuses qui m’accompagnaient.
À l’infirmerie on me fait entrer dans une chambrette. La supérieure prie ses consoeurs de se retirer et demande qu’on amène la religieuse malade. Celle-ci arrive en trottinant et semble très nerveuse. Elle répond à mes questions d’une voix plutôt aiguë. Après l’interrogatoire je demande à prendre sa tension artérielle et à procéder à l’examen de son cœur et de ses poumons. Elle se lève immédiatement et, sans hésitation, remonte jusqu’aux épaules sa bure et ses jupons. Elle ne portait ni culotte, ni soutien-gorge; elle était pratiquement nue. La mère prieure dans un mouvement d’horreur, d’aversion et de répugnance se détourne et clame un HA! tout à fait désapprobateur.
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