Souvenirs d'un vieux Doc




     Souvenirs de ma pratique médicale
     comme médecin de famille
     dans la ville de Québec.

vendredi, septembre 01, 2006



Dénuement extrême

À ville Vanier, banlieue rapprochée de Québec, la rue principale se terminait à la voie ferrée. Au-delà du chemin de fer se trouvait un immense champ abandonné que l’on désignait allégoriquement sous le nom de « Parc Minoune », et qui est maintenant devenu un magnifique quartier résidentiel. Dans ce champ non défriché on avait construit trois, ou quatre taudis faits de panneaux réclame ou d’agglomérés. Ils étaient alimentés en eau par un boyau d’arrosage et en électricité par un simple fil électrique qui passaient sous la voie ferrée. Ils comptaient une seule pièce, dont le plancher était de terre battue, où on trouvait un poêle à bois, une table, quelques chaises ainsi qu’un vieux grabat.

Un jour, vers les trois heures du matin, l’infirmière de l’assistance maternelle me téléphone, elle m’offre de l’accompagnée pour aller accoucher une femme dans un de ces taudis. Après avoir stationné la voiture au bout de la rue, nous franchissons la voie ferrée et pénétrons dans le seul taudis éclairé. À la lumière blafarde que projetait une ampoule de 25 watts suspendue au plafond nous apercevons allongée sur le grabat une jeune dame qui présentait tous les symptômes d’une parturiente en travail. . Pour un jeune étudiant en médecine, faire un accouchement dans de semblables conditions est une expérience qui ne s’oublie jamais.

Durant la dernière guerre, le gouvernement fédéral avait fait construire, à Québec, sur les plaines d’Abraham des baraques pour héberger des prisonniers de guerre. Avant leur démolition, les baraques ont servi de refuge pour des familles pauvres de la région. Dans les immenses salles, les espaces réservés aux familles étaient isolés les unes des autres par des draps suspendus au plafond. On y coudoyait des gens de conditions différentes qui s’interpellaient à haute voix. Les enfants circulaient librement, la propreté et l’hygiène laissaient à désirer. Faire un accouchement dans de telles conditions n’était pas de tout repos, on en sortait avec un sentiment d’indignation, d’impuissance, de honte et même de révolte. À la fin des hostilités, les fameuses baraques furent démolies. Grâce à l’intervention du curé de la paroisse Notre Dame de la Garde et à la générosité d’un constructeur de Québec. Les matériaux de démolition servirent à l’érection de trois jolies demeures unifamiliales situées sur le boulevard Champlain.

Les circonstances des deux accouchements que j’ai effectués au début de ma pratique médicale m’ont profondément marqué et, comme dirait Péguy « ont ridé ma vie ».



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