Souvenirs d'un vieux Doc




     Souvenirs de ma pratique médicale
     comme médecin de famille
     dans la ville de Québec.

vendredi, septembre 01, 2006



Désespéré

La logique du suicidaire est très variée, il arrive parfois qu’elle soit suscitée par les adversités de la vie, en voici un exemple : Une dame se faisait suivre par moi pour un problème d’hypertension artérielle. Un jour elle se présente à mon bureau, accompagnée de son mari qui souffrait d’un cancer de la gorge. « On voudrait avoir votre opinion sur le traitement qu’on suggère à mon mari, me dit-elle. Le spécialiste, qui le traite, affirme qu’il peut le soulager et prolonger sa vie, en enlevant la tumeur ce qui, cependant, l’obligerait à pratiquer une trachéotomie permanente. »

Je lui réponds que le mode de vie de ces gens est très particulier, demande une attention de tous les moments. Généralement, elles ne peuvent parler et même leur alimentation est pénible. Je leur propose d’aller visiter le département d’oncologie à l’Hôtel-Dieu, où on traite ces cas.

Ce qui leur permettrait de rencontrer des malades ayant subis une trachéotomie, de les questionner, s’ils peuvent parler ou du moins avoir une bonne idée du genre de vie qu’ils mènent. Ils m’ont quitté en disant qu’ils suivraient ma recommandation.

Quinze jours plus tard, ils sont revenus et le mari m’a ainsi raconté sa visite à l’hôpital. « Il y avaient trois patients au département, un seul était capable de parler en utilisant un curieux appareil qu’il appuyait sur sa gorge et d’où sortaient des sons à tonalité métallique qu’on comprenait difficilement. Après de laborieux efforts il a fini par nous faire comprendre qu’il était très malheureux, et regrettait son intervention. Le deuxième m’a remis un petit billet sur lequel il avait écrit; « Christ… ne te fais pas opérer! ». Le troisième qui avait une mine désespérée, me regarda longuement d’un air soucieux…ne fit aucun geste et s’en alla. Après une si pénible visite, j’ai décidé que lorsque la vie et la douleur seront insoutenables je saurai quoi faire. »

Deux mois plus tard, l’épouse éplorée me raconta le dénouement de cette tragédie. « Mon mari souffrait de plus en plus, s’alimentait presque pas et ses capacités physiques s’amenuisaient rapidement. Un soir, avant de le quitter pour aller jouer au bingo comme je le faisais à toutes les semaines il me fit presque des adieux .Il me remercia pour tout ce que j’avais fait pour lui, s’excusa pour les désagréments qu’il m’avait causés, et m’embrassa tendrement. Lorsque je revins, à la fin de la soirée, je le trouvai dans son lit, sans vie. »



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