Souvenirs d'un vieux Doc




     Souvenirs de ma pratique médicale
     comme médecin de famille
     dans la ville de Québec.

samedi, septembre 02, 2006

Le diagnostic

Je crois que dans la pratique de la médecine, la partie la plus difficile est de poser un diagnostic. Il arrive souvent que le malade explique mal ses malaises ou douleurs et même cache certains symptômes par gène ou par pudeur. Je me souviens, qu’étant jeune médecin, j’ai été confronté à de telles situations, En voici quelques exemples :

Un homme d’environ quarante ans, au verbe abondant, mais au vocabulaire un peu particulier se présente à mon bureau de consultations et me dit « J’ai mal en arrière de moi ! » Je reste incrédule devant une telle affirmation et je crois, en première instance, que j’ai affaire à un schizophrène qui entend des voix derrière lui. Je le questionne avec circonspection m’efforçant d’en savoir d’avantage sur la densité, la durée, la localisation de la douleur, mais les réponses sont imprécises ou évasives. Si je prononce les mots fesses ou anus, je constate un grand malaise et me rends compte que j’attaque sa pudeur. Je me résigne à l’examiner plus attentivement, ausculte et palpe tous les parties de son dos qui sont susceptibles d’être douloureuses. Tout est négatif. Je me dis : malaise ou pudeur, je vais suivre ma première intention, et lui demande d’enlever son pantalon et de se coucher sur la table d’examen pour que j’examine son anus à la recherche de varices, Cette ultime démarche confirma mes soupçons, il était porteur de grosses varices qui étaient certainement très douloureuses.


Une autre fois, c’est une dame qui se plaint « D’avoir mal à la place de l’homme ! » Devant une telle déclaration, je fus estomaqué ne sachant trop comment entreprendre le questionnaire et de quel partie de son corps je devais la questionner en premier. Il était évident que son éducation sexuelle était très rudimentaire et farcie de nombreux tabous. Il me fallut faire preuve de grande diplomatie et de délicatesse avant d’attaquer le vif du sujet : de parler de son vagin et la faire consentir à un examen vaginal. En effet, elle était porteuse d’une vaginite très sévère. Je lui ai prescrit des médicaments et l’ai suivie régulièrement. À chaque visite, je m’efforçais de lui faire comprendre que son corps lui appartenait en propre et que sa fameuse « place de l’homme » était fictive. Finalement je crois que j’ai un peu réussi à la libérer de cette servitude.


Parfois un diagnostic peut être établi après un questionnaire très élaboré et en oubliant quelque peu la clinique. Ainsi une dame âgée me dit qu’elle souffre depuis un certain temps de : « la pi-tourne » J’étais complètement décontenancé, n’ayant jamais entendu parler d’une telle affection durant toutes mes études. Je me résolu donc à la questionner sur ses antécédents familiaux, sur la durée et l’intensité de la douleur et surtout sur la nature du phénomène qui me semblait bien peu médical. Finalement elle me dit que lorsqu’elle se couche elle prend des heures avant de pouvoir s’endormir et qu’elle tourne et se retourne dans son lit avant que le sommeil réparateur se présente. Un questionnaire plus poussé m’a permis de savoir qu’elle avait un gros problème familial et que lorsqu’elle se couche elle y pense et essaie de le résoudre. Je lui ai alors prescrit un anxiolytique et quinze jours plus tard elle est venue me dire qu’elle dormait facilement et que sa « pi-tourne » était guérie.



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